Les stérols végétaux, une médecine métabolique active

Partie I : Le cholestérol

Les stérols et les stanols végétaux, aussi appelés phytostérols, sont un groupe de molécules semblables aux stéroïdes que l’on retrouve dans les plantes tels les légumes, les noix et les huiles végétales ^[1]. Plus de 200 stérols sont identifiés, les plus communs sont le bêta-sitostérol, le campestérol et le stigmastérol ^[2]. Les stérols végétaux ont une composition semblable au cholestérol humain grâce à laquelle ils peuvent moduler leur absorption et leur transformation dans le corps ^[1,3]. On croit qu’ils possèdent une variété d’effets anti-inflammatoires et de contrôle des hormones. La majorité de cet article se concentre sur les applications relatives au cholestérol incluant les nouvelles directives sur le cholestérol avec pour conclusion un sommaire de son usage pour la santé de la prostate.

Le discours emprunté dans les directives des principales associations médicales suggère que chaque individu puisse bénéficier d’un traitement par statine (un groupe de médicaments sur ordonnance dont l’usage principal est de baisser le taux du cholestérol LDL, soit le « mauvais cholestérol ») ^[4]. Une telle position n’est pas unanime et des discussions éloquentes au sujet de l’usage de tels traitements ont été largement publiées ^[5]. Les directives courantes de l’American Heart Association ont identifié « quatre groupes pouvant bénéficier de la statine », et les recommandations sont :

Bien que l’usage des traitements de statine chez les individus survivant une crise cardiaque est généralement jugé approprié (voir point 1 ci-haut), une utilisation des statines chez les autres groupes mentionnés requiert une réflexion. Nombre de méthodes existent pouvant abaisser le taux de cholestérol avec succès, soit au niveau du régime alimentaire ou du mode de vie et procurent des bienfaits supplémentaires sur la pression artérielle, le poids, le contrôle du glucose sanguin, etc. Les stérols végétaux offrent une stratégie non médicamenteuse permettant d’obtenir les taux de cholestérol sanguins conformes aux recommandations courantes et leur impact sur la gestion du cholestérol fait l’objet de cet article.

Au cours de la première partie, nous nous sommes attardés sur les recommandations reliées à la gestion du cholestérol. Les aliments enrichis des stérols végétaux ont démontré leur pouvoir pour réduire efficacement les taux de cholestérol dans le sang. C’est dans cette optique que Santé Canada a approuvé les bienfaits pour la santé de plusieurs aliments enrichis des stérols végétaux ^[1]. Ces produits sont appelés des « aliments fonctionnels ». Les produits faisant partie de ce groupe sont certains mélanges à tartines, la mayonnaise, la margarine, la margarine faible en calories, la vinaigrette, le yogourt et les boissons de yogourt ainsi que les jus de légumes et de fruits ^[1]. Une « dose thérapeutique » se définit comme étant une quantité approximative de 2-3 g de stérols végétaux et selon la recherche existante, certains aliments fonctionnels en contiennent jusqu’à 1 g par portion.

L’usage des stérols végétaux démontre une réduction du cholestérol LDL d’environ 10% ^[1]. Santé Canada maintient qu’il n’y a aucun danger pour la santé de la population lors d’une consommation allant jusqu’à 3 g chez les adultes et jusqu’à 1 g chez les enfants ^[1]. Les patients consommant déjà des médicaments visant à réduire le taux de cholestérol et désirant utiliser des aliments fonctionnels enrichis des stérols sont avisés d’en informer leur médecin. Il est cependant peu probable que des interactions adverses se produisent.

Plusieurs études ont démontré des bienfaits supplémentaires lors de l’usage des stérols végétaux en combinaison avec les statines, le groupe le plus commun des médicaments pour le cholestérol. Une analyse systématique et une méta-analyse ont combiné des données de huit essais contrôlés et aléatoires qui ont évalué les effets des stérols végétaux et la médication de statine ^[2]. Ensemble, ces essais ont démontré que la combinaison a diminué le total du cholestérol par 14,01 mg/dL en moyenne et le cholestérol LDL par 13,026 mg/dL ^[2].

Chez les patients diabétiques recevant déjà des traitements de statine, l’ajout quotidien d’un mélange à tartine d’huile végétale contenant 3 g de stérols végétaux a donné de meilleurs résultats pour la réduction du cholestérol total et LDL, en comparaison au traitement de statine seul ^[3]. Après quatre semaines, le cholestérol total a été réduit de 9,6% chez le groupe des stérols végétaux et statine, par rapport à 7,8% du groupe de statine seulement. D’autre part, le cholestérol LDL a été réduit de 16,4% chez le groupe des stérols végétaux et statine, contre 14,8% pour le groupe de statine seulement ^[3]. Finalement, une étude comprenant 54 patients sous traitement de statine, a démontré qu’un ajout de margarine contenant soit 2.,5 g de stérols végétaux ou 2,5 g de stanols végétaux réduit le cholestérol LDL de 8,7% et de 13,1% après 85 semaines ^[4].

Il semble que l’ajout de suppléments comprenant des stérols et stanols végétaux sous forme d’aliments fonctionnels peut jouer un rôle important et engendrer des effets de taille sur les taux de cholestérol souhaités. Dans les parties qui suivent, nous examinons l’usage des stérols végétaux comme produit naturel pour la santé, et leurs effets moins connus sur la prostate.

Dans la partie II, nous nous sommes attardés sur le rôle des aliments fonctionnels enrichis des stérols végétaux. Malheureusement, plusieurs de ces aliments sont hautement transformés, telles les margarines fortifiées ou les vinaigrettes. Les individus désirant bénéficier des effets des stérols végétaux sur l’abaissement du taux de cholestérol sans pour autant consommer des gras trans et d’autres sous-produits faisant partie des aliments transformés peuvent opter pour une supplémentation sous forme de capsules ou de cachets.

Un test sanguin de cholestérol consiste en cinq marqueurs, incluant le cholestérol total, le cholestérol à faible densité (LDL, mauvais cholestérol), le cholestérol à haute densité (HDL, bon cholestérol), les triglycérides et le rapport entre le cholestérol total et le HDL. Une panoplie de données scientifiques a démontré qu’une supplémentation avec environ 2g de stérols végétaux peut baisser le taux du cholestérol LDL (« mauvais cholestérol ») de 10 à 15% ^{[1, 2,3]}. Des preuves existent et suggèrent qu’une supplémentation avec des stérols végétaux peut aussi baisser légèrement le taux des triglycérides de 6% ^[4].

Une analyse/méta-analyse produite en 2013 évaluant la supplémentation à l’aide des stérols végétaux sous forme de capsule a démontré qu’un usage quotidien de 1 à 3 g de stérols végétaux aux repas (2-3 fois par jour) réduit le taux du cholestérol LDL de 12 mg/dL (0,31 mmol/L) et que cette réduction est comparable aux effets obtenus en consommant des aliments fonctionnels ^[5].

Le mécanisme d’action des stérols végétaux et l’effet sur le cholestérol reposent sur leur capacité à interrompre l’absorption du cholestérol par les intestins ^[1]. Les stérols végétaux semblent être en compétition avec le cholestérol pour l’incorporation dans les micelles émulsifiées qui par la suite sont absorbées par la membrane revêtant le gros intestin ^[1].

Plus récemment, le processus d’excrétion transintestinale de cholestérol (TICE) a été découvert ^[1]. Dans ce processus, il existe une sécrétion directe de cholestérol en provenance du sang et retournant dans l’intestin pour son excrétion ce qui a été démontré chez les animaux ^[1]. Les stérols végétaux semblent activer cette voie, rajoutant ce mécanisme à leurs activités de réduction du cholestérol. Puisque les stérols végétaux interfèrent lors de l’absorption du cholestérol en provenance du régime alimentaire, ils doivent être consommés en même temps que les repas afin de maintenir leur efficacité. Une consommation de 500 mg, trois fois par jour, avec chaque repas est souvent recommandée afin d’abaisser le taux du cholestérol.

En plus de la réduction du cholestérol, un autre usage scientifique, mais méconnu des stérols végétaux est pour la santé de la prostate. L'hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), ou « prostate élargie », est une condition affectant plus de 50% des hommes âgés de 50 ans ou plus, dont les symptômes incluent la difficulté d’uriner, un jet faible, une augmentation de la fréquence des besoins et la perturbation du sommeil pour cette cause. Ces symptômes sont causés par la prostate élargie qui exerce une pression sur la vessie et l’urètre.

L’HBP est partiellement causé par les effets de la dihydrotestostérone (DHT), un métabolite de testostérone à haut niveau d’activité qui est produite par l’enzyme 5 alpha-réductase. En effet, la finastéride, soit le traitement pharmaceutique primaire pour le traitement de l’HBP est un inhibiteur de l’enzyme. Les études sur les animaux démontrent que le bêta-sitostérol peut aussi inhiber l’enzyme 5 alpha-réductase ^[1]. Bien sûr, l’élégance de la médecine naturelle réside dans le fait que ces agents ne se limitent pas à un seul mécanisme. Dans le cas de prostatite chronique, l’administration des stérols végétaux a réduit les taux des cytokines pro-inflammatoires, incluant le IL 1beta, NF alpha ainsi que celui des enzymes COX 2 et 5 LOX qui indiquent une condition pro-inflammatoire de la prostate ^[2]. Curieusement, l’activité de l’herbe tant connue et recherchée, le palmier nain, dans l’amélioration de l’HBP est partiellement attribuée à son contenu en phytostérols ^[3].

Les études sur les humains confirment ces effets. Une analyse de la documentation publiée la Cochrane Library combine les données de quelque 519 hommes participant à quatre essais selon une répartition aléatoire, à double aveugle et contrôlés par placebo, portant sur le bêta-sitostérol et l’HBP ^[4]. En général, l’analyse conclut que le bêta-sitostérol améliore les résultats de symptômes urinaires et les mesures de flux. Des améliorations ont aussi été observées dans le débit urinaire maximal et le volume résiduel, mais pas dans la taille de la prostate.

Une des plus grandes études a eu lieu en Allemagne et a inclut 200 patients traités avec 60 mg de bêta-sitostérol ou de placebo pendant une durée de six mois ^[5]. Les patients recevant le bêta-sitostérol ont montré une amélioration presque triple de leurs symptômes de prostate, comparativement au groupe placebo, tel que mesuré sur l’échelle de Boyarsky et l’échelle International Prostate Symptom. Une amélioration des paramètres de l’urine a aussi été observée, mais pas dans la grandeur de la prostate. D’autres études ont aussi utilisé des doses plus élevées, soit jusqu’à 130 mg par jour et ont démontré des améliorations similaires ^[6].